Quelle est l’incidence des pratiques numériques sur le fonctionnement de la mémoire ? Comment le numérique “exploite” la mémoire collective ? A propos de “l‘évolution de nos propres mémoires correlative au développement massif des mémoires artificielles ” Jean-Gabriel Ganascia, chercheur en intelligence artificielle et président du comité d’éthique du CNRS, avance quelques reflexions concernant :
- La prolifération des supports externes de la mémoire.
- L’équipement des mémoires biologiques avec des dispositifs technologiques
La prolifération des supports externes de la mémoire et des mémoires collectives.
Dans la mesure où il est impossible d’évaluer, dans une démarche scientifique, l’impact des ces nouveaux usages sur les capacités mnésiques individuelles, rien ne sert de de s’inquiéter sans motif démontré. L’externalisation des savoirs par l’écriture était déjà, chez les Anciens, considérée comme une menace pour la pratique philosophique, rappelle l’auteur. Dans la mémoire collective il y a aussi les monuments, les enregistrements… Aujourd’hui, le contenu de l’ensemble des livres rassemblés à la BNF, Bibliothèque Nationale de France, tient sur 14 To”c’est à dire sur quelques disques durs dont le coût actuel, de quelques centaines d’euros, sera amené à décroitre dans les années qui viennent…”.”Le WEB en 2020 comprendra environ 2,8 milliard de BNF“, un volume hypertrophié de mémoire collective à prendre en compte dans l’augmentation des capacités de prédire le futur à partir de corrélations. Si le volume est impressionnant, la masse de données reste précaire puisque les supports ne résisteront pas à l’usure du temps.
L’équipement des mémoires biologiques avec des dispositifs technologiques.
Les implants cérébraux, ces “dispositifs électroniques placés dans notre cerveau“, ne permettront d’augmenter ni la mémoire, ni les capacités cognitives. L’auteur associe à de la pure science-fiction les lacets neuronaux de la société Neuralink crée par Elon Musk, qui permettraient “d’augmenter la mémoire et l’intelligence en greffant des dispositifs de stockage d’information à notre cerveau” . Il estime que ce projet “fait fi de la complexité de la mémoire humaine qui diffère fondamentalement dans son principe des dispositifs de stockage d’information…Nul ne sait pour l’instant comment les concepts sont encodés dans nos propres cerveaux”.
Jean-Gabriel Ganascia. Futur de la mémoire à l’ère numérique. in La mémoire, entre science et société. Observatoire B2V des mémoires. Paris : 2019, Le Pommier Poche. P. 611-627.
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