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Westworld  : la série sci-fi qui éclaire les enjeux politiques de demain

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La série Westworld  diffusée fin 2016 aux États-Unis vaut le détour. Outre sa narration et ses acteurs de grande qualité, elle rend compréhensible pour le grand public certaines problématiques que soulève la révolution dans les nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives (NBIC), et auxquelles nos élites politiques doivent se préparer à répondre. Trois exemples.

Le risque d’une virtualité plus alléchante que la réalité. Les dix épisodes de la première saison de Westworld, adaptés du film Mondworld  réalisé par Michael Crichton en 1973, racontent la vie d’un parc d’attraction d’un nouveau genre. Ce parc offre la possibilité de vivre dans une reproduction parfaite du Far-West, et d’interagir avec des « hôtes », robots d’apparence humaine au réalisme troublant.

Les « invités » peuvent laisser libre court à leurs désirs les plus inavouables à travers le pillage, le viol, le meurtre… Leurs exactions sont sans conséquence : les hôtes sont programmés pour être incapables de blesser les invités. De plus, après chaque « mort », ils sont remis à neuf et leur mémoire est effacée par les ingénieurs du parc. Ils reprennent ainsi la « boucle narrative » à laquelle ils sont affectés.

Westworld est l’outil suprême de la catharsis au sens d’Aristote : les individus se purgent de leurs passions en les projetant sur une fiction sans avoir à en souffrir les conséquences dans la réalité. Toutefois, ainsi que l’illustre un personnage écumant le jeu depuis de longues années, l’univers fictif peut finir par devenir plus désirable que la réalité, et un simple outil se transforme ainsi en une fin en soi. Loin de se libérer de ses désirs, le personnage en devient prisonnier.

Sans attendre la création de tels humanoïdes, la question de l’isolement dans une virtualité de plus en plus immersive est posée dès aujourd’hui, notamment par les jeux vidéos qui s’apprêtent à prendre le virage de la « réalité augmentée » avec les vues à 360°, mais encore par l’arrivée de « robots sexuels ». La régulation de leur utilisation est vouée à une place centrale dans les débats sur l’éducation, la santé et la sécurité publique. On attend la personnalité politique française qui mettra – intelligemment – le sujet sur la table…

Le dilemme entre contrôle et innovation. La gestion du parc Westworld  est émaillée de confrontations entre d’un côté les actionnaires qui veulent s’assurer du bon contrôle des hôtes, et de l’autre les gestionnaires qui doivent cacher les couacs survenus suite à une mise à jour hasardeuse.

D’autre part, le fondateur du parc raconte s’être lui-même opposé à son ancien associé en refusant que soit incluses dans le code des hôtes la possibilité de conserver des brides de souvenirs afin de leur conférer la suprême graine de réalisme qui leur manque. Il voyait dans cette innovation le risque de perdre le contrôle total sur l’inconscient des hôtes, sur lesquels il entend régner comme un dieu omniscient et omnipotent.

Cette tension entre la soif inextinguible d’innovation pour l’innovation et le besoin de contrôle est transversale à toutes les thématiques qui feront le débat public de demain. Ce qu’enseigne Westworld aux décideurs politiques, c’est que vouloir interdire l’innovation technologique est illusoire, et qu’une absence de contrôle sur les créations comme sur les créateurs est mortifère.

 Les robots peuvent-ils accéder à l’humanité ? L’autre grand intérêt de Westworld est d’interroger sur l’attitude à adopter face à des robots que plus aucun élément extérieur ne distingue des êtres humains. La plupart des invités les usent, en jouissent et en abusent comme de simples biens de propriété. Cette attitude en fait-elle des esclavagistes inhumains? A rebours, quelques invités prennent le parti de les traiter avec respect voire amour. Ce choix en fait-il des fous ?

Cet aspect de la série permet d’une part de vulgariser les débats sur « les droits des robots », encore à l’état embryonnaire, et d’autre part de donner une nouvelle jeunesse au débat ancestral sur ce qui constitue la spécificité de la nature humaine. Aux interrogations déjà existantes sur la frontière entre les humains et certains animaux ne manqueront pas de s’ajouter celles sur la frontière entre humains et robots lorsque ces derniers auront atteint le stade de réalisme dépeint dans la série.

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