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Leurre et malheur du transhumanisme

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« Leurre et malheur du transhumanisme » constitue un ouvrage argumenté et aussi très critique, qui porte sur le courant de pensée transhumaniste. Les accusations de l’auteur, Olivier Rey, chercheur au CNRS, sont fortes. L’amélioration de la condition humaine, prônée par les auteurs transhumanistes, irait de pair pour sa mise en oeuvre avec une “propagande dans l’espace public”  et un lobbying intense pour “promouvoir toutes les technologies propres à cet objectif – notamment en orientant les politiques publiques et les financements dans cette direction“. Sur le plan des idées, les critiques sont tout aussi directes. Les auteurs du courant de pensée transhumaniste soutiendraient “le caractère intermédiaire de l’être humain qui ne sait trop à quel rang se mettre, entre bêtes et dieu” (1).

Il est vrai que la pensée transhumaniste trouve son fondement dans une mise en abîme de la condition humaine au sein de l’Evolution. Le philosophe belge récemment disparu Gilbert Hottois voyait, dans cette nouvelle temporalité, des idées qui méritaient “d’ être prises au sérieux par les philosophes“.  G. Hottois ajoutait ” prendre au sérieux ne signifie pas adhérer mais clarifier et comprendre, évaluer et prendre position de façon nuancée. Une telle approche est défaillante parmi les publications en français relatives au trans/poshumanisme”. Si G. Hottois était encore de ce monde, ce n’est évidemment pas l’ouvrage d’Olivier Rey qui le ferait changer d’avis.

La critique cède parfois la place à la moquerie. L’auteur va jusqu’à se demander se demander s’ils sont « cyniques ou nigauds (2)», dans leur idée fixe de tout miser sur la technologie.  C’est vrai qu’il est tentant se moquer des transhumanistes qui ne se distinguent pas toujours par leur sens des nuances dans leur quête de l’immortalité, du téléchargement de l’esprit dans un disque dur ou de la cryogénisation des têtes. On peut cependant objecter à l’auteur que l’amélioration de capacités prônée par les transhumanistes ne repose pas exclusivement sur la recherche de l’efficacité et plus généralement des performances économiques. Elle vise davantage à alléger le poids des souffrances humaines et à « mieux vivre ». L’Association Française transhumaniste, AFT, se réclame ainsi d’un transhumanisme à tendance «social-démocrate » dans lequel  «l‘être humain peut « devenir plus humain » grâce à la technologie : vie plus longue, davantage d’intelligence et de créativité…» (3).

Le fil conducteur de la pensée transhumaniste reste l’idée que, pour l’humain considéré dans la perspective de l’Evolution darwinienne, des transformations intentionnelles du corps humain ne différent pas des transformations biologiques, et sont par conséquent admissibles. Mais le courant de pensée transhumaniste ne se résume pas facilement. Il y a par exemple peu en commun entre l’AFT, Association Française transhumaniste, peu engagée politiquement et le candidat aux élections présidentielles aux Etats-Unis en 2016, Zoltan Istvan (4). La pensée de James Hugues auteur de Citizen cyborg est aux antipodes de celle de Ray Kurweil, l’apôtre -dans la Silicon Valley- de la singularité. C’est toute la difficulté de lui consacrer un ouvrage et les limites de ceux-ci, aussi argumentés soient-ils. 

 

 

 

Olivier Rey. Leurre et malheur du transhumanisme. Desclée de Brouwer, 2018. 16,90 euros.

(1) p. 15

(2) Conférence à L’Institut Diderot, mercerdi 27 mars 2019.

(3) https://usbeketrica.com/article/zoltan-istvan-le-candidat-transhumaniste

(4) https://transhumanistes.com/homme-augmente/

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