D’ici 20 ans, peut-être 40, la plupart des habitants des pays développés pourront procréer sans relation sexuelle. Le nouvel âge de la reproduction humaine consiste, selon Henry T. Greely, en un changement radical de méthode. Celle-ci deviendrait largement assistée et technicisée. Comment va-t-on en arriver là ? La reproduction des personnes humaines pourrait s’avérer être une affaire beaucoup trop sérieuse pour la faire dépendre des aléas de la vie sexuelle des individus. Dans cette sociale-fiction, défendue par un très sérieux professeur de droit, par ailleurs directeur du Center for Law and the biosciences à l’Université de Stanford aux États-Unis d’Amérique, le processus se mettra en place dès qu’il sera totalement sûr, peu contraignant et financièrement abordable.
Passé son titre provocateur, ce livre passionnant suscite une prise de conscience sur les enjeux sociaux de ces pratiques à venir, et il ouvre le débat. Pas moins de six chapitres sont consacrés à des problématiques que l’on retrouve fréquemment dans les réflexions sur l’amélioration humaine : les risques sur la sécurité des personnes, l’hétéronomie dans les relations transgénérationnelles (quid du droit des enfants à un futur ouvert ?), des considérations d’équité, notamment du point de vue des disabilities, les risques de coercition (l’obligation de ne choisir que des filles, par exemple)…
Réapparaît au fil des pages le spectre des designer babies, quoique l’auteur observe qu’il s’agit en réalité davantage de selected babies. Certes la démarche est guidée au premier chef par la volonté de prévenir et d’éradiquer les maladies. Mais ensuite, évidemment, tout deviendrait possible : le choix des traits esthétiques, du comportement, ou bien encore du niveau d’intelligence…
Les embryons correspondant à des traits préférentiels seraient sélectionnés à la suite de séquençage et de diagnostic génétique préimplantatoire, ce qui est déjà possible aujourd’hui dans le cadre de la fécondation in vitro, mais ce type de manipulation se généraliserait avec de nouvelles techniques. Le recours aux cellules souches induites à la pluripotence pourrait permettre de créer de manière efficace des gamètes, par exemple à partir d’un simple petit morceau de peau. Plus besoin de procédures contraignantes, comme les stimulations ovariennes pour récupérer les œufs. Ensuite, à partir d’une classique fécondation in vitro, un embryon serait choisi parmi ceux qui ont été obtenus sur la base des préférences des parents et des résultats du séquençage génétique.
H.Greely admet qu’il reste énormément d’hypothèses scientifiques à lever, sans parler des autorisations légales (l’auteur est un juriste renommé). Tel est le cas s’agissant de l’interprétation des résultats des séquençages, ainsi que des liens entre les variants génétiques et les traits de la personne. La recherche sur les cellules souches induites à la pluripotence se heurte aujourd’hui à des problèmes de mutations aléatoires.
L’auteur estime que les modifications génétiques intentionnelles des traits des bébés seront prochainement possibles d’un point de vue technique. Son message : la société doit décider si elle choisit ou non ce futur-là, et comment elle va le réguler.
Pour aller plus loin:
Henry T. Greely. The end of sex and the future of human reproduction. Cambridge, Massachusetts : Harvard University Press, 2016. 381 p.
J’ai déjà dit à Laurent Alexandre que cela ne se fera pas dans la paix, mais cela induira une guerre planétaire avant ou alors ça se fera dans l’espace.