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Neuro-technologies : réguler trop tôt ou réguler trop tard...

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Réguler trop tôt ou réguler trop tard » :  l’expression résume le problème habituel de gouvernance pour les technologies émergentes.  Appliquée aux neuro-technologies et soulevée par Francoise Roure, présidente du groupe de travail sur les technologies émergentes à l’OCDE,  cette question a été l’objet d’une table ronde Neuro-technologies et droits de l’homme : avons-nous besoin de nouveaux droits?, organisée le 9 novembre dernier par l’OCDE et le Conseil de l’Europe. Si la mise en oeuvre de nouveaux neuro-droits est peut-être prématurée, il n’est pas du tout prématuré de commencer à y réfléchir, estime Hank Greely, directeur du Centre for the law and the biosciences, Etats-Unis. Il s’agit donc, d’un coté de prendre conscience de l’émergence de nouvelles technologies puissantes et intrusives, de l’autre de ne pas freiner l’innovation par un surabondance de normes et dispositifs.

Dès lors que de nouvelles technologies ont pour objet de décoder et/ou d’influer sur l’activité cérébrale des individus, des  questions se posent, du point de vue de l’autonomie des individus . « Les développements dans le domaine des neurotechnologies, telles que la stimulation cérébrale profonde, les interfaces cerveau-ordinateur et les réseaux de neurones artificiels, ouvrent la perspective d’une meilleure compréhension, d’un suivi, mais également d’un contrôle accru du cerveau humain, soulevant des questions de vie privée, de personnalité et de discrimination » indique le département de bioéthique du Conseil de l’Europe (DH-BIo) (1). Dans cette réflexion, il est indispensable de distinguer les technologies utilisées dans le domaine médical pour des objectifs thérapeutiques (certaines invasives d’autres non), des technologies sous formes de bandeaux ou de casques,  proposées au grand public (non invasives). En gardant à l’esprit l’hypothèse d’un passage, dans un calendrier inconnu, du domaine médical au grand public ( un passage envisagé avec fracas par Elon Musk à travers sa société Neuralink). Certes, aujourd’hui, les neuro-technologies dans le domaine non-médical,  destinées à contrôler l’humeur, à stabiliser le sommeil, à stimuler la concentration ou les performances sportives… ont de faibles capacités et sont encore peu efficaces, a rappelé Peter Reiner, professeur de neuro-éthique, Université de la Colombie britannique, Canada. Mais il reste que le recours à certaines neuro-technologies utilisées dans le domaine médical est déjà l’occasion de reflexions renouvelées sur certains droits fondamentaux. Par exemple quand la stimulation profonde pour traiter certaines maladies provoque des changements de comportement, quand des dispositifs en boucle fermée (closed loop) permettent aux algorithmes de décider à la place du patient l’administration d’un traitement, ou encore quand le devenir de données cérébrales enregistrées est mal assuré… 

La liberté de penser est à réexaminer dans ce nouveau contexte des neuro-technologies, a insisté Susie Alègre, cabinet d’avocats Doughty Street Chambers, Royaume-Uni, citant le chercheur Christoph Bublitz.  Et il faut sans doute y associer une réflexion plus générale sur les nouvelles formes d’influence mises en oeuvre par le biais des algorithmes, comme l’a précisé Miguel Cabral, unité de santé publique de Maia-Valongo, Portugal. Mieux cerner le moment où de simples influences technologiques se transforment en  instrumentalisation des individus… 

 

 

Pour revoir les débats : https://www.coe.int/fr/web/bioethics/round-table-on-the-human-rights-issues-raised-by-the-applications-of-neurotechnologies

(1) DH – BIO : https://www.coe.int/fr/web/bioethics/assessing-the-relevance-and-sufficiency-of-the-existing-human-rights-framework-to-address-the-issues-raised-by-the-applications-of-neurotechnologies

 Voir aussi article précédent de ce blog : Protéger le cerveau des neurotechnologies : le cas du Chili. Anthropotechnie, 5 mai 2021. https://www.anthropotechnie.com/proteger-le-cerveau-des-neurotechnologies-le-cas-du-chili/

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