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L’admissibilité du recours à des substances chimiques pour modifier la mémoire.

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Demain,  des technologies de modification de la mémoire, des molécules chimiques telles que le propranolol et les glucocorticoïdes, ou des dispositifs tels que l’optogénétique, autoriseront peut-être une certaine modification de la mémoire, nécessaire dans des contextes médicaux de phobies, de troubles anxieux ou de stress post-traumatique. Dans ce domaine, les enjeux sont infinis, tant l’expérience mémorisée du passé fonde la vision que se fait chacun du futur, à la fois d’un point de vue individuel et d’un point de vue collectif. 

Modifier ou désactiver ?

Si dans certains des cas thérapeutiques, la modification de la mémoire reste selective et entraine peu de conséquences, en d’autres cas une véritable désactivation de la mémoire est recherchée : “it may sometimes be necessary to render amnesia of traumatic or phobic memory as this can be the only way to overcome PTSD and ultimately build healthy identity. Deactivation of memories has been realized in model organisms for decades with the use of protein synthesis inhibitors » explique Przemysław Zawadzki,  auteur d’un l’article intitulé, The ethics of memory modification : personal narratives, relational selves and autonomy, publié dans la revue Neuroethics. L’auteur examine l’admissibilité d’éventuelles pratiques médicales de modification de la mémoire, du point de vue de l’identité et de l’autonomie de la personne : « I analyze the potential ramifications of memory modifications such as changing the valence of targeted memories and selective deactivation of a particular memory as these interventions seem to be at the same time potentially both most promising clinically as well as menacing to personal identity ». Il  soutient que l’admissibilité du recours à de telles technologie peut-être lié au contexte social dans lequel vit l’individu : ” I conclude by suggesting that undertaking memory modifications without taking into account the social dimension of a person’s life creates the risk that she will not be able to meet one of the basic human needs—the autonomous construction and maintenance of personal identity”

En résumé, l’auteur ne discute pas l’admissibilité du recours à de tels outils technologiques, en dépit de leur caractère intrusif : « memory modifications run the risk that a person will not be able to achieve the equilibrium, and thus meet one of the most fundamental human needs— the autonomous construction and maintenance of personal identity. However, if we take moral principles of political liberalism seriously, this is not sufficient to justify forbidding citizens from undergoing memory modifications ». Mais il propose des pistes de reflexion pour le cas où ces pratiques seraient mises en oeuvre dans le domaine thérapeutique  : “ethical and psychiatric committees should be established to serve as bodies examining both the psychological needs of patients and the social contexts in which they live and advise them if memory modification may be beneficial in light of their inevitable interaction. In the meantime, it is important to continue a discussion on whether the potential therapeutic gains from memory modification outweigh the potential ethical perils ». Cette approche de l’auteur, qu’on peut qualifier de conséquentialiste, propre au domaine de la médecine, se traduit par l’examen d’une balance entre les avantages et les inconvénients, dans une perspective de guérison d’une personne malade.

Quelles pourraient être les utilisations hors du domaine médical ?

Cette approche conséquentialiste médicale laisse entier le problème du “dual use”, c’est à dire des usages qui peuvent différer, être détournés, des objectifs médicaux de départ. Quelles pourraient être les utilisations hors du domaine médical ? Il parait important que la réflexion sur une éventuelle mise sur le marché de telles technologies de modification de la mémoire puisse s’accompagner d’un travail de veille et d’anticipation, afin de ne pas laisser le champ libre à un imaginaire collectif nourri de dystopies et autres oeuvres de science-fiction.

 

 

 Przemysław Zawadzki. The ethics of memory modification : personal narratives, relational selves and autonomy. Neuroethics. Vol 16, issue 1. 

https://link.springer.com/journal/12152/volumes-and-issues/16-1?utm_source=toc&utm_medium=email&utm_campaign=toc_12152_16_1&utm_content=etoc_springer_20230416

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