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Dépistage et diagnostic prénatal : comment en parler, comment y penser ?

Dépistage pré-conceptionnel, dépistage pré-implantatoire ou encore diagnostic prénatal : comment réfléchir à ces nouvelles pratiques rendues possibles par les avancées des savoirs en médecine génomique, comment en parler et comment y penser  ? Les auteurs d’un récent rapport du Conseil National Consultatif d’Ethique (1), CNCE,  se demandent si le cadre de réflexion,  pour certaines de ces pratiques, pourrait s’apparenter à celui de pratiques eugénistes (1). Il y est précisé que cette réflexion ne porte pas sur l’admissibilité ou non de pratiques, mais bien sur : « une éthique du langage, autour d’un mot devenu tellement assourdissant qu’il prend le risque tantôt de déformer, tantôt de masquer, les enjeux éthiques importants des pratiques qui lui sont associées. En posant la question « L’eugénisme, de quoi parle-t-on ? », le CCNE entend revenir à un usage juste des mots qui rouvre une réflexion nécessaire et permet, au lieu d’une impasse, d’emprunter un chemin historique, contemporain et prospectif, en interrogeant les ruptures et les continuités entre ces trois temps”.

Dans cette perspective, le CNCE  propose de définir l’eugénisme comme «  une recherche d’amélioration de l’espèce humaine, au moyen de procédés de sélection d’individus soutenue par une politique d’état coercitive ». Si l’on admet cette définition par le CNCE d’un l’eugénisme qui serait exclusivement lié à une politique d’état, les pratiques contemporaines d’assistance médicale à la procréation, relevant du domaine privé, se situent à ce titre en dehors du champ de l’eugénisme. Avec cette définition restrictive des pratiques eugéniques, les auteurs du rapport du CNCE prennent leur distance avec certains auteurs qui, dans les années 2000, avaient débattu de l’admissibilité de possibles pratiques privées qu’ils qualifiaient alors d’ “eugénisme libéral ». Les réflexions du philosophe allemand Jurgen Habermas à ce sujet ont été publiées en 2002 dans un ouvrage majeur intitulé L’avenir de la nature humaine, vers un eugénisme libéral (2).

Il est aisé de comprendre les motivations qui sous-tendent la prise de position du CNCE lorsque celui-ci adopte une définition restrictive de l’eugénisme, tant le terme est associé à des politiques d’état racistes et tyranniques et porte dans les débats la sinistre charge de son passé. Quel que soit le cadre de réflexion adopté, les pratiques contemporaines en question, liées à la médecine génomique, posent évidemment une multitude de questions éthiques essentielles, “nous interrogent sur une autre forme de coercition, sociale celle-là » ajoutent les auteurs du rapport.  Dans les applications potentielles de cette médecine génomique, il s’agit, d’un point de vue médical,  de lutter contre l’expression de maladies graves dépistées chez les enfants avant la naissance.  Des pratiques qui se situeraient en dehors du champ médical, avec pour pour objectif de modifier certaines capacités ou certains traits, d’ “améliorer” des individus par des modifications du génome des cellules germinales sont interdites à ce jour dans la grande majorité des pays. Ces pratiques sont présentées et examinées dans un récent rapport de l’OMS (1).

1- Conseil National Consultatif d’Ethique, CNCE. L’eugénisme de quoi parle t-on ?  https://www.ccne-ethique.fr/fr/actualites/avis-138-du-ccne-leugenisme-de-quoi-parle-t

2 – Jurgen Habermas. L’avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral. Paris : Gallimard, 

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