« Happy neuron », « solutions for the mind », « digital way to focus »… De jeunes entreprises (Thync, Foc.us …) vantent les mérites de nouvelles techniques régulant et améliorant le fonctionnement cérébral des individus. C’est pourquoi elles proposent de jeter les médicaments psychotropes aux orties.
Disponibles sur le marché, ces techniques de neurostimulation ne semblent pas susciter énormément de crainte chez leurs utilisateurs. Elles ne sont pas invasives : simplement posées sur le crâne, les électrodes activent les circuits neuronaux, en envoyant des impulsions électriques faibles. Leurs promoteurs mettent en avant une nouvelle manière de maîtriser et de contrôler son comportement. Ils louent les améliorations de l’attention, de la mémoire de travail, de l’humeur, et plus généralement des fonctions cognitives qui en découlent. Les appareils, neuro devices, mind gadgets, présentent un aspect assez sophistiqué, certains se portant par exemple sur le côté de la tête (voir photo). Les prix de ces appareils de stimulation à domicile oscillent entre 50 et 300 dollars environ. Leur vente aux particuliers se fait en dehors de tout argument d’ordre médical. Ainsi ne sont-ils pas soumis à des autorisations spécifiques. Outre-Atlantique, la Food and Drug Administration (FDA) n’est pas sollicitée pour délivrer des autorisations. L’on retrouve le même vide juridique en Europe 1.
Il semble que leur utilisation médicale soit prometteuse pour les dépressions et les maladies neurodégénératives. Cependant, la communauté médicale met en garde les particuliers, lorsqu’ils utilisent ces appareils à des fins d’amélioration du fonctionnement cérébral. Évidemment, tel est spécialement le cas du matériel fabriqué à domicile, dans le cadre de ce que l’on appelle le DIY, c’est-à-dire le do it yourself.
Parmi les techniques destinées au grand public, qui sont disponibles sur le marché, l’on trouve à la fois des appareils de diagnostic et de stimulation. Certains d’entre eux rendent compte du fonctionnement cérébral par des techniques nommées neurofeedback. Le diagnostic s’effectue soit par électroencéphalogramme (EEG), par imagerie par résonance magnétique (IRM), ou bien encore par scanner. Il est d’ailleurs significatif que l’un d’entre eux possède pour slogan : « comment va votre cerveau aujourd’hui ? » En tout état de cause, il s’agit de visualiser, sur un écran et en direct, l’activité de son propre cerveau. Car prendre conscience du fonctionnement cérébral et d’un éventuel dysfonctionnement accroît la motivation pour y remédier. Les données relatives à l’activité du cerveau sont analysées, enregistrées par un ordinateur, et éventuellement accessibles en ligne. L’objectif est d’établir des moyennes et de prendre connaissance des évolutions. Il s’agit là d’une sorte de prise de température du fonctionnement cérébral. L’on peut imaginer que, les jours où il se situe en deçà de la moyenne, le logiciel propose une stimulation. Bien entendu, ces appareils peuvent être connectés. Au Salon international des innovations de la High Tech à Las Vegas, une nouvelle technologie, Melomind, a été présentée en janvier dernier par des chercheurs français. Destiné à lutter contre le stress, un casque connecté mesure l’activité du cerveau et invite à se calmer par le biais d’un « voyage musical sur mesure et interactif ». Le casque sera proposé sur le marché français dans le courant de l’année pour un prix de 299 dollars.
D’autres appareils ont pour fonction, non plus le diagnostic ou la régulation, mais la stimulation proprement dite. Avec ces appareils, la stimulation s’accomplit à travers le crâne par des impulsions d’origine soit électrique, dans le cadre de la TDCS (Transcranial Direct Current Stimulation), soit magnétique, dans le cadre de la TMS (Transcranial Magnetic Stimulation). D’ores et déjà, en Grande-Bretagne, une école spécialisée pour les enfants (âgés de 8 à 10 ans) rencontrant des difficultés d’apprentissage propose, à titre expérimental, ces techniques de stimulation électrique du cerveau pour les aider à progresser.
Les effets sur le fonctionnement cérébral des mécanismes sous-tendant ces techniques ne paraissent cependant pas bien connus, ce qui soulève des doutes sur la sécurité. Aussi bien les résultats de ces expérimentations que les recherches en elles-mêmes ne font pas l’unanimité parmi la communauté scientifique. Les incertitudes et le manque de recul sont souvent décriés. Publiée en 2015, une méta-analyse portant sur les pratiques de TDCS conclut à l’absence de preuves quant à une amélioration cognitive significative. C’est ce que souligne Anna Wexler, doctorante au MIT. D’après elle, sans être qualifiés de « médicaux », ces procédés affectent bel et bien la structure et les fonctions du corps humain.
Pour aller plus loin
- Bright sparks. Nature, vol 531,3 mars 2016.
- Brain stimulation in children spures hope-and concern. Nature, 23 septembre 2015.
- Anna Wexler, A pragmatic analysis of the regulation of Consumer Transcranial Direct Current Stimulation (DTCS) devices en the United States. Journal of Law and the biosciences, http://jlb.oxfordjournals.org/content/early/2015/10/12/jlb.lsv039.full
Les produits
http://www.thync.com, http://www.foc.us/all-products/tdcs-devices, http://www.mybraintech.com.
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