Contrairement à la France, où le don de gamètes est gratuit et anonyme (2), chacune aux Etats-Unis peut vendre ses ovocytes, pour financer par exemple la conservation de ses propres ovocytes. Il est alors possible d’imaginer le cas d’une jeune femme de 32 ans, interne en médecine, devant accomplir encore 7 ans de formation, pour finir ses études aux environs de 39 ans. Elle souhaite mettre de coté ses ovocytes, par prudence puisqu’il est admis qu’à cet âge, sa fertilité aura déjà diminué. Disposant de peu de moyens, elle choisit de vendre la moitié de ses ovocytes prélevés, pour en financer le prélèvement et la conservation (de 4000$ à 8000$); et de garder l’autre moitié des ovocytes prévelés pour son propre usage futur.
Si, à première vue, l’idée parait tentante, les auteurs d’un article (1) publié par le think-thank Hastings Center mettent l’accent sur les dangers de la démarche (3). La jeune femme agit t-elle en toute connaissance de cause ? se demandent-ils, insistant sur les risques ainsi encourus : “when only financially strapped women participate in egg-sharing programs; when they do so without independent counseling; when they don’t understand their liabilities, responsibilities, and duties to any children created from their eggs; when they are made promises that may not be kept; and when likely only wealthy people can use the gametes, we are robbing these young women of authentic autonomy, leaving them to be exploited by parties with obvious conflicts of interest, reinforcing bigotry, and creating or exacerbating health and social disparities. If infertility treatment is an important human right, it ought to be part of health insurance rather than subject to bartering“.
Les auteurs soulignent en particulier le conflit d’intérêt auquel s’expose la “banque” de gamètes qui, avec une perspective de profit de 100 000$ dans l’échange (dans le cas de 20 ovocytes produits), ne parait pas en mesure de conseiller objectivement la jeune femme. Le consentement de celle-ci ne leur paraît pas “éclairé” et semble comporter d’importantes zones d’ombre. Les auteurs insistent sur les problèmes suivants :
- Le risque pour la jeune femme de perdre l’usage des oeufs conservés pour son propre usage, et ainsi son avantage dans l’échange; par exemple dans le cas d’un déménagement lointain, d’un accident dans le processus de congélation ou encore d’un éventuel échec dans le processus de fécondation…
- La responsabilité en cas de pathologie génétique découverte à postériori et transmissible.
- La responsabilité vis à vis des enfants ainsi conçus, dans le cas ou ils perdraient leurs parents officiels et chercheraient à retrouver leur mère biologique.
2 – Quelques chiffres :
- Ovocytes congelés. En France, 12 000 patientes ont congelé leurs ovocytes, mais la pratique se développe depuis la loi de 2021 qui a permis la généralisation de la pratique à toutes les femmes. 3000 femmes ont fait ce choix en 2021, d’après Agence de la biomédecine. Rapport médical et scientifique 2022. http://https://rams.agence-biomedecine.fr/media/4396
- Conservation des ovocytes. Dans le monde, on trouve environ 1900 banques d’ovocytes.
0 commentaire