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Retour sur l'imaginaire cyberpunk.

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L’imaginaire cyberpunk imprègne la science fiction des années 1980. Yannick Rumpala, maître de conférence en science politique à l’Université de Nice, décrypte cet «agencement de motifs caractérisé par l’exhubérance technologique, informatique particulièrement (le “cyber-” ), sur fond de néo-féodalisme économique et de décrépitude sociale (le coté « punk ») », à travers les productions littéraires et cinématographiques, en particulier celles de William Gibson dans le cycle de la « Trilogie de la Conurb » (Neuromancien, Comte zero et Mona Lisa s’éclate). 

Le monde cyberpunk est marqué par l’absence de libertés, un monde dans lequel les resistances ne peuvent être qu’individuelles et où la programmation informatique “a fini par remplacer la loi (« pour reprendre la formule (postérieure) du juriste Lawrence Lessig (“code is law ») ».  Dans ce monde post-politique, les états sont absents, les environnements détériorés,  les conditions d’existence dégradées. Les récits évoluent dans des ambiances très sombres. Matérialisant la rencontre des corps et des techniques, les interfaces humains-machines prolifèrent dans la peau, sur la peau et bien sûr dans les esprits puisque ressort un fort dualisme esprit/corps.  Marchandisation de l’humain, médiation technique omniprésente : le corps n’est plus qu’un « support » comme un autre. A travers ces récits d’un futur marqué par une absence totale d’idéologie et par une violente perte de contrôle de l’humanité sur sa propre existence, le sens politique de l’imaginaire cyberpunk « n’est pas à proprement parler celui de l’alerte et de la conjuration d’une menace. Si une forme de contre-utopie ou d’anti-utopie s’exprime dans ce courant, il n’est pas possible de la rabattre sur une analyse seulement focalisée sur la dimension de mise en garde (…) aucun des mondes fictifs du cyberpunk ne correspond à une utopie qui aurait déraillé. Nulle volonté surplombante de bonheur collectif ou prétention à organiser le bien de l’humanité n’est à leur origine ».

Si l’absence d’Etat et la technicisation à outrance des existences sont des thèmes connus des productions de science-fiction,  les travaux de Y. Rumpala mettent en lumière l’originalité de cet univers cyberpunk. Rien à voir avec le monde totalitaire orwellien et la surveillance par Big brother :  si la surveillance généralisée existe, les acteurs dans ce domaine ne sont pas les états, mais des entités du monde économique. Le cyberpunk s’oppose aussi, et vient même “en réaction » au monde de Star Wars, des operas space  : dans le monde cyberpunk il n’est pas question d’aventures galactiques mais de cybernétique, de biotechnologies et de réseaux de communication. Enfin l’imaginaire cyberpunk ne correspond pas davantage aux récits transhumanistes (qu’il précède) puisque « le cyberpunk ne s’inscrit pas dans la confiance prométhéenne. Il ne s’inscrit pas dans une vision enchantée d’une symbiose des humains avec la machine et autres artefacts dont ils ont peuplé le monde … ».  A  observer le monde cyberpunk, on comprend surtout que, faute d’idées sur son propre avenir, l’aventure humaine collective a tourné court. 

 

Yannick Rumpala. Cyberpunk is not dead. Laboratoire d’un futur entre technocapitalisme et posthumanité. Paris : Le Bélial, 2021.

 

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