La mémoire n’est pas un système monolithique. Elle se compose de plusieurs sous-systèmes qui ont chacun des fonctions propres et obéissent à des schémas fonctionnels particuliers. Les mécanismes neurobiologiques de la mémoire sont de plus en plus étudiés. Dans cet article, les questionnements éthiques (cf article de ce blog du 15.12.16) seront volontairement laissés de côté pour aborder seulement les assises médicamenteuses et technologiques associées à la mémoire augmentée.
Une tentative de classification des outils d’accroissement des capacités mémorielles
Dans son article, « Amplifying Cognition : Extending Memory and Intelligence », Anders Sandberg, chercheur en neurosciences et Research Follow au Future Of Humanity Institute de l’Université d’Oxford, qui se réclame du courant de pensée transhumaniste, classe les outils permettant d’améliorer la mémoire en quatre catégories différentes (Internal/External Software et Internal/External Hardware).
- Les Internal Software sont l’ensemble des outils cognitifs permettant d’organiser nos souvenirs, comme les moyens mnémotechniques apprises sur les bancs de l’école et de la faculté.
- Les External Software regroupent les outils et systèmes de traitements d’informations complexes, à l’instar d’outils de hiérarchisation et des filtres informationnels.
- Parmi la catégorie des External Hardware on retrouve les structures de stockage et de traitement d’informations respectivement les disques durs et les ordinateurs.
- Enfin, parmi la catégorie des Internal Hardware, nous avons notamment les « smart drugs» ou les nootropes qui sont des substances psychoactives et des neurotropes favorisant, soit la concentration et donc indirectement la mémoire, soit directement la mémoire elle-même.
Parmi les psychotropes et neurotropes, on retrouve notamment, les agonistes cholinergiques qui stimulent la libération de l’acétylcholine (un neurotransmetteur essentiel au processus mémoriel) dans l’hippocampe, les hormones telles que la vasopressine ou encore l’ACTH qui concourent à l’activation du système cholinergique. Enfin, il y a des substances telles que la caféine et les amphétamines qui favorisent la concentration et influent par conséquent sur la mémoire. Anders Sandberg insiste toutefois sur l’existence des effets secondaires pouvant se présenter à la suite de la prise de ces médicaments. La difficulté supplémentaire étant que l’administration de l’ensemble de ces neurotropes doit être ajuster avec l’activité neuronale, notamment à l’activité des neurotransmetteurs.
Enfin, dans le rapport « Global Trends 2030 » de la National Intelligence Council (NIC) agence gouvernementale américaine souhaite mettre l’accent sur les « neuromédicaments décuplant l’attention, la vitesse de raisonnement et la mémoire ».
Les avancées prometteuses de la stimulation cérébrale profonde
Ainsi que le constate Laura Cabrera, Assistant Professor at the Center For Ethics and Humanities in the Life Sciences, parallèlement à l’approche médicamenteuse, il existe la technique de la stimulation cérébrale profonde qui « consiste à appliquer des impulsions électromagnétiques sur des neurones et/ou des nerfs ».
Une équipe de chercheurs est parvenue, à l’aide de la stimulation cérébrale profonde au niveau du cortex enthorinal et de l’hippocampe, à favoriser la libération de l’acétylcholine et par conséquent d’améliorer la mémoire. Habituellement utilisée dans le cadre des thérapies contre la maladie de Parkinson, les dépressions ou encore les troubles obsessionnels compulsifs, la technique de stimulation cérébrale profonde peut être mobilisée dans la perspective transhumaniste (du point de vue des auteurs transhumanistes).
Des puces et des neuroprothèses dans le cerveau pour booster la mémoire
Une équipe de chercheurs de l’Université de Californie du Sud a mis au point un implant cérébral qui entraîne un accroissement de la mémoire chez les primates. Les structures corticales et sub-corticales des singes sont relativement semblables à l’Homme. Ainsi, c’est l’hippocampe des singes qui a été le lieu d’implantation des puces. À terme, selon Theodore Berger, professeur et chercheur responsable de l’équipe de recherche, les implants renforçant la mémoire pourront être implantés dans le cerveau humain. Theodore Berger a estimé que les études sur les hommes sont prévues dans le cadre thérapeutique pour traiter les épileptiques. De même, le professeur travaille sur des prothèses nerveuses, des microprocesseurs implantés dans le cerveau au niveau des neurones pour booster la mémoire du cerveau. Dans son ouvrage, Humanité 2.0, Ray Kurzweil, Director of Engineering chez Google, cite[1] les avancées majeures pouvant découler des travaux de Theodore Berger pour « modifier la construction du cerveau humain ».
(1) Ray Kurzweil, Humanité 2.0, M21 Éditions, 2007, p. 203.
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