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Designer children : l'enfant futur et le futur de l'enfant

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Avec les technologies de procréation assistée, l’arrivée au monde des enfants pourrait être de moins en moins issue d’un projet aléatoire et de plus en plus d’un projet organisé selon les intentions des adultes. Comment organiser, sur ces nouvelles bases, les relations et les éventuels conflits d’intérêts entre ces enfants, nés et à venir, et les adultes qui décideraient certaines conditions de leur venue au monde.

L’intérêt des enfants mis en péril par la biomédecine contemporaine

Les droits des enfants sont-ils mis en péril par la biomédecine contemporaine ? Le Conseil de l’Europe dispose de deux rapports (1) qui portent sur les droits des enfants en général et en particulier sur les droits des enfants à naître. Ces travaux s’intègrent à la stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant (2016-2021).

Point de départ de la réflexion, l’idée que certains droits des enfants pourraient être négativement affectés par les évolutions des sciences et technologies en biomédecine et les incertitudes qui les accompagnent. Les auteurs, dans leur démarche, se penchent sur plusieurs zones de risque au cours du développement de l’enfant, en particulier la reproduction assistée et les manipulations génétiques, le cas des enfants appartenant à une minorité sexuelle ou de genre, les enfants à qui l’on a diagnostiqué des besoins importants en matière de santé physique ou mentale, les enfants qui ont subi des transplantations et enfin les situations de fin de vie.
Au chapitre de la procréation assistée, les auteurs examinent de quelle manière les droits à l’identité, l’autonomie et l’absence de discrimination, sont protégés ou non en cas d’interventions pré-conceptionnelles et pré-natales, alors même que le patient reconnu est la mère et non l’enfant à naître Le rapport souligne l’ampleur des inconnues médicales qui pèsent sur la santé des enfants nés de techniques de procréation assistée ou de diagnostic pré-implantatoire, stimulation ovarienne, congélation des oeufs et des embryons, donations mitochondriales.
Même s’ils remarquent que la situation de ces droits est potentiellement aussi complexe et mouvante que la biomédicine elle-même, la plus grande vigilance s’impose à leurs yeux pour préserver les droits principaux :  d’une part à l’aide d’outils existants dans le domaine des droits de l’homme, d’autre part avec la création de nouveaux outils, par exemple des standards internationaux pour les états membres. Les principaux droits à préserver concerneraient les domaines suivants: 
• un meilleur état de santé physique et mental possible,
• la protection de l’intégrité physique et psychologique,
• la protection de la vie privée et de l’identité,
• la non-discrimination,
• le consentement et prise en compte de la volonté des enfants ,
• la liberté et protection contre les traitements dégradants,
• le droit à la vie
Le sujet n’est pas traité par la Convention d’Oviedo et il n’y a pas, selon les auteurs, de consensus européen à ce sujet. Le Conseil de l’Europe pourrait établir des recommandations et des guides de bonnes pratiques notamment pour les pratiques de mères porteuses et de donation de gamètes.

L’intérêt des adultes et l’intérêt des enfants

La Déclaration des droits de l’enfant adopté le 20 novembre 1959 par l’Assemblée générale des Nations unies, précise que « l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance ». Dans le cadre de cette protection spéciale, les enfants ne consentent pas.  En l’absence de consentement des enfants, sont à examiner les choix faits par les adultes pour les enfants, la manière dont les intérêts des enfants sont – ou non- protégés par les adultes. L’autorité parentale est une mission évolutive, les rapports entre parents et enfants évoluent selon l’âge de l’enfant. Dans certains cas, des prérogatives liées à l’autorité parentale sont subordonnées à l’accord de l’enfant. Jusqu’à quel point, dans ce cadre, les adultes peuvent-ils se substituer aux enfants à naitre et aux enfants nés, pour définir leurs intérêts dans des choix ?
Envisager ces intérêts futurs des enfants qu’on ne connaît pas et en conséquence les conditions de leur protection ne va pas de soi. Si l’intérêt de l’enfant est une notion inscrite en France dans la loi de bioéthique, reste à interpréter cette notion. Comment déterminer l’intérêt de l’enfant, décliné au futur, à fortiori avant sa naissance ? L’intérêt des enfants s’apprécie dans un processus de développement. Il ne réside pas seulement dans leur intérêt au présent, mais surtout dans leur intérêt à venir. La réflexion sur la prise en compte de l’intérêt à venir des enfants fait intervenir un nombre considérable d’éléments, de valeurs et surtout d’anticipations : quelle idée se fait-on du futur de l’enfant et de l’enfant futur, et de quelle manière interprète t-on ce futur ? 

Ne pas sur-déterminer les enfants

Devant ces difficultés, la ligne directrice pourrait consister à ne pas sur-déterminer les enfants. Certains auteurs ont ainsi développé l’idée de droits anticipés, un droit à un futur ouvert pour les enfants (2) qui serait opposable à certaines décisions des adultes qui sur-détermineraient les enfants. Le droit à un futur ouvert des enfants s’opposerait à des pratiques biomédicales qui engendreraient une surdétermination des enfants rendue possible par les technologies de procréation assistée, dans l’idée de la recherche d’un l’épanouissement optimum de l’enfant. 
Impossible d’ignorer, dans ce débat sur la protection des enfants à naître, l’ampleur des enjeux économiques du “marché” de la procréation assistée. La circulation des cellules reproductives humaines, devenus produits marchands et soumis aux aléas du marché, pose des questions à la fois du point de vue du principe fondamental de non marchandisation du corps humain et des aspects de sécurité. Certes, l’article 21 de la Convention d’Oviedo stipule que : « le corps humain et ses parties ne doivent pas être, en tant que tels, source de profit ». En France, l’article L. 2141-11-1 du Code de santé publique précise que l’importation et l’exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps humain sont soumises à une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine. Seul un établissement, un organisme ou un laboratoire titulaire de l’autorisation prévue à l’article L. 2142-1 pour exercer une activité biologique d’assistance médicale à la procréation peut obtenir l’autorisation prévue à cet article. Mais comment réguler ce commerce en ligne et l’envoi de paillettes de gamètes congelées par voie postale, à partir de centres de fertilité implantés aux Etats-Unis et au Danemark ?

 

 

(1) Joël Feinberg. Freedom and fulfillment. Philosophical essays. Princeton University Press, 1992, p. 76-97.

(2) The Rights of Children in Biomedicine : Challenges posed by Scientific Advances and Uncertainties. Université d’Upsala. Janvier 2017.  https://rm.coe.int/16806d8e2f.

From Law to practice, towards a roadmap to strengthen children’s rights in the area of biomedicine. Université de Leiden. Juin 2017. https://rm.coe.int/leiden-university-report-biomedicine-final-f/1680736464.

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