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Enfants-CRISPR : enfants-projets ?

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Il y a une semaine l’annonce fracassante de la naissance de bébés dont le génome aurait été modifié intentionnellement in vitro via les ciseaux génétiques, la technologie CRISPR, faisait l’actualité. Même si les faits ne sont toujours pas vérifiés, quelles sont les principales interrogations dans ce domaine ? Outre l’échec navrant des tentatives de gouvernance internationale qui s’étaient organisées de manière inédite sur ce sujet, deux questions principales attirent l’attention. D’une part le débat ancien qui resurgit autour d’un caractère “sacré” du gène. Le gène serait pour certains constitutif d’une “essence” de l’humanité. D’autre part l’hypothèse d’une instrumentalisation des enfants à venir, liée aux technologies émergentes de manipulation du génome des embryons. Cette dernière question, largement laissée de coté, est pourtant le coeur du problème. Jusqu’où les adultes pourraient-ils provoquer la venue au monde d’enfants conçus pour répondre à leurs projets, la naissance d’enfants-projets, les designer children  ? 

Le gène est-il immuable et sacré ? Plus d’une décennie après le décryptage du génome humain en 2004, le gène, à l’heure de l’épigénétique a perdu de son aura. A l’idée d’un gène immuable et puissant, qui déclencherait tout seul un programme de développement d’un individu, a succédé l’idée d’un patrimoine génétique qui s’exprime, se module, en fonction de son environnement. Le patrimoine génétique d’un individu se transforme en permanence sous l’effet d’influences infinies. Difficile donc d’attribuer au gène un caractère “sacré” du fait de son caractère immuable. Les institutions qui se sont penchées sur la régulation de l’édition du génome ont entériné, pour la plupart, la possibilité d’effectuer, pour faire avancer les connaissances, des recherches via CRISPR en intervenant in vitro sur des gamètes ou des embryons surnuméraires,  dans une limite de temps d’environ 2 semaines. La réimplantation de ces embryons pour donner naissance à des enfants reste, à l’inverse, interdite dans de nombreux pays. L’interdit se base sur des raisons de sécurité lié aux nombreuses inconnues qui subsistent tant pour la santé du bébé que pour les conséquences sur la descendance, davantage que pour des raisons morales et un caractère qui serait “sacré” du gène. La semaine dernière, le principe de non-réimplantation a été battu en brèche par une équipe de chercheurs en Chine qui a annoncé avoir contribué à la naissance d’un bébé dont le patrimoine génétique a été modifié, afin de créer une immunisation contre le virus du VIH.

Et voilà donc l’enfant-projet, conçu avec une modification intentionnelle du génome, pour servir les intérêts des adultes, se conformer à des normes sociales ou encore contribuer à des impératifs de performance. L’instrumentalisation serait, dans le cas chinois,  réalisée dans la mesure où la naissance de l’enfant serait envisagée dans un but de recherche thérapeutique, dans l’intérêt des chercheurs. Il ne semble pas clair, à la lecture des commentaires, que l’intervention sur le génome se soit effectuée dans l’intérêt de l’enfant. La contamination de l’enfant au VIH était une hypothèse. Seul le père du bébé en question est porteur du virus HIV, pas les enfants eux-mêmes. Il existe différents moyens de réduire les risques de transmission du virus soulignent de nombreux commentateurs. L’intervention génétique induit par ailleurs des risques se santé très importants sur l’existence de cet enfant suite à la manipulation du génome.

En dehors de la démarche de recherche, bien d’autres instrumentalisations des enfants par les parents, pour leur aspect physique notamment, sont imaginables à partir du moment où le patrimoine génétique des embryons serait facilement modifiable et dans des conditions de sécurité acceptables. L’impératif de non-instumentalisation – l’enfant ne nait en aucun cas pour réaliser le projet ni de ses parents, ni d’autres adultes –  pourrait constituer un principe cadre, afin que la technologie CRISPR soit utilisée toujours pour le bénéfice des enfants à venir, notamment pour prévenir des maladies et non le bénéfice d’adultes qui projettent leurs aspirations sur les enfants .

1 commentaire

  1. l’argument qui concerne la justification de l’emploi de la technique “dans l’intérêt des enfants” si c’est réservé à la prévention des maladies me paraît assez faible puisque c’est précisément celui a est mis en avant par le chercheur chinois pour le risque d’avoir une maladie transmise par l’entourage familial. Il faudrait beaucoup plus de précisions pour éventuellement justifier cet emploi “en prévention d’une maladie” à savoir que celle-ci n’est pas du tout évitable par une autre méthode, pas du tout curable, ne permet pas du tout de vivre avec un traitement même s’il n’y a pas de guérison possible, a une probabilité certaine de survenir, etc.etc..
    Mais qui a envie de réfléchir vraiment à une règle qui empêchera le “principe d’innovation” de triompher sur le principe de précaution, et freinerait l’Hubris des 10 milliards d’humains dont les Dieux ont peut être déjà décidé la perte? Le profit et la demande possible sont déjà au rendez-vous, alors pourquoi se limiter?
    L’avenir n’est pas écrit encore mais l’horizon est obscurci par bien de sombres présages, dont cette naissance n’est qu’un exemple.

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