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Améliorer l’attention des élèves par des médicaments psychostimulants : quelles justifications ?

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Dans le futur, des implants dans le cortex permettront peut-être d’améliorer les capacités cérébrales. Mais aujourd’hui, la forme d’amélioration cérébrale la plus couramment pratiquée est obtenue par la prise de Ritaline et d’autres médicaments psychostimulants. Des chiffres en hausse, en particulier chez les enfants de 6 à 17 ans, selon les données de l’ANSM publiées en avril dernier. Le trouble de l’attention, TDAH, constitue une pathologie avérée qui requiert un traitement médical. Mais que faut-il en penser pour les enfants qui ne sont pas malades, si le médicament est pris en réponse à des exigences scolaires croissantes ? Dans ce dernier cas, dans quelle mesure les pratiques sont-elles justifiables ? La question se pose aujourd’hui en particulier aux Etats-Unis où plus de 3,5 millions de jeunes enfants étaient sous traitement de psychostimulants en 2011. D’un point de vue politique, la question peut se poser de deux manières différentes :

Ce qui revient à se demander s’il est juste de la part des adultes, de ne pas donner à tous les enfants les moyens d’évoluer dans une société qu’ils ont construit afin qu’ils soient en mesure de vivre pleinement leur vie future de citoyen. Dans ces relations entre les adultes et les enfants, il s’agit de déterminer comment s’équilibrent les aspirations à davantage d’égalité dans les capacités cérébrales et une vigilance envers des normativités qui viennent entâcher la liberté de comportement. 

Il est vrai que, de tous temps, pour assurer leur continuité, les sociétés ont cherché à façonner l’esprit de leur progéniture. Les médicaments psychostimulants constituent pourtant un nouveau pouvoir de nature technologique qui s’exerce sur les enfants, et qui justifie qu’on le prenne en compte dans une réflexion politique. Ce pouvoir recèle une part de coercition. Les moyens biomédicaux tels que les médicaments psychostimulants agissent directement sur le fonctionnement cérébral, de manière intrusive, sans la médiation du langage et de la communication. Ils suppriment tout espace de contestation pour l’enfant, et posent de ce fait des nouvelles questions liées à leur puissance d’action.

Les inégalités dans les capacités cérébrales tendent à devenir des inégalités majeures dans la société de performance contemporaine, ainsi que l’a expliqué le sociologique Alain Ehrenberg. Le recours à un concept de justice cognitive peut constituer un cadre théorique pour cette réflexion sur l’économie psychique des enfants, leur avenir cérébral confronté aux objectifs sociaux contemporains de performance et d’anticipation (prédiction ?) de leur vie future.

 

Pour en savoir plus : 

Pour une justice cognitive : l’amélioration biomédicale de l’attention des enfants, Elisabeth de Castex.  Revue française d’éthique appliquée2017/1 N° 3. 

1 commentaire

  1. Je me demande si, plutôt que d’égaliser les capacités cérébrales d’un enfant à l’autre, il n’est pas question ici d’égaliser l’exploitation maximale des capacités initiales d’un enfant, par opposition aux capacités d’un autre. Ce n’est pas la même chose et il me semble que la seconde option est plus réaliste.

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