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L’homme augmenté : être - ou ne pas être - naturel ?

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« Ce n’est pas naturel ». L’invocation de la nature humaine est récurrente dans le débat sur l’amélioration des capacités humaines, en particulier cognitives. Ainsi existerait-il une intangible nature humaine, que l’homme ne devrait pas modifier. La réflexion éthique consiste à se demander sur quoi reposent de tels arguments, si l’on admet avec Darwin que les traits humains se modifient en permanence, et que l’humanité est évolutive. Par ailleurs, le recours à des instruments extérieurs n’est pas nouveau chez les êtres humains, et ceci depuis la pierre taillée jusqu’au smartphone, en passant par les prothèses que sont les lunettes. Sur quels fondements doit-on alors établir une hiérarchie entre les différents moyens permettant de modifier la nature humaine ? Pourquoi aurait-on le droit de la modifier à des objectifs exclusivement thérapeutiques, et non pas pour d’autres objectifs ?

Le philosophe Philippe Descamps suggère que la prise en compte éthique d’une espèce humaine fait office de réaction aux risques liés à l’emprise croissante de la technique sur le vivant. Il s’agit de poser des limites aux interventions de l’homme, en vue de conserver les principales qualités essentielles de l’être humain. Cette éthique déterminerait un devoir-être à partir des caractéristiques qui seraient celles d’un être dit naturel. Ces traits spécifiques sont soulignés, en creux, par la maîtrise technique du vivant. L’auteur soutient que l’espèce humaine n’existe ni en droit ni en biologie. Il ne s’agirait que d’une notion d’ordre moral.

L’argument moral d’une nature humaine peut trouver son fondement soit dans un ordre religieux, si le naturel est ce qui est voulu par le divin, soit dans un ordre métaphysique, si le naturel se réfère à une « sagesse de la nature ».

Dans The case against perfection, le philosophe américain Michael Sandel fait sienne cette perspective métaphysique, en articulant le débat de l’amélioration biomédicale humaine autour d’une éthique du donné. Ses arguments reposent sur une conception intangible de la nature, dont le respect se transforme en un mandat moral. En effet, l’origine de ces offrandes échappe aux êtres humains, et celles-ci ne sont en aucun cas à leur disposition. Michael Sandel entend considérer la vie comme un cadeau, auquel il oppose l’hybris, i.e. une volonté excessive de maitrise et de domination de la nature se traduisant par le désir d’améliorer les enfants. L’autonomie des individus résiderait dans leur pouvoir de perfectionner les conditions de vie au sein de la nature, et non pas de changer la nature humaine en tant que telle.

Au-delà de la diversité de ces conceptions possibles de la nature, une question politique majeure émerge, celle de la discussion de l’indiscutable. Pour le dire autrement, comment débattre d’arguments reposant sur l’intangibilité de la nature, si ces prémisses sont présentées comme absolues et insusceptibles de toute remise en cause ? Là se trouve le problème, davantage que dans l’insoluble question de savoir ce qui est naturel et ce qui ne l’est pas.

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