“Le corps humain contient environ 100 watts de puissance chimique, dont la moitié est stockée sous forme de glucose. Seuls quelques milliwatts suffisent à la biopile pour alimenter des dispositifs médicaux implantables gourmands en énergie” (1). Le recours à des biopiles (pile alimentée par des substances naturelles) permettra-il de développer et banaliser le recours à cette source d’énergie ?
Des travaux de recherche sont menés depuis plusieurs années dans ce domaine pour que la glucose produite par le corps, par transformation de la nourriture, puisse constituer une énergie chimique qui alimenterait, par biopile, l’électronique implantée. Aujourd’hui les dispositifs médicaux, l’électronique implantée et les prothèses bioniques améliorent la vie d’environ 6 % de la population des pays développés. Le problème de l’énergie nécessaire pour alimenter ces dispositifs freine leur expansion : « Si on voulait alimenter un rein artificiel, il faudrait une pile à lithium d’1 litre pour 1,2 kg, à renouveler tous les ans ! Plus les implants sont gourmands en énergie, plus leurs piles sont encombrantes. Les technologies médicales implantées sont aujourd’hui restreintes par leurs sources d’énergie, qui ont une durée de vie limitée » explique Abdelkader Zebda, chercheur Inserm au laboratoire Recherche translationnelle et innovation en médecine et complexité.
“Abdelkader Zebda a voulu s’affranchir de cette limite avec une source d’énergie qui ne nécessite pas d’être renouvelée. Cela fait plus de 10 ans qu’il s’intéresse aux biopiles qui utilisent comme carburants l’oxygène et le glucose présents en continu dans l’organisme. D’abord testées in vitro, puis sur des rats en 2019, leurs électrodes ont livré des résultats encourageants. Une révolution, même pour le milieu. Les biopiles fonctionnent comme des piles classiques à combustibles : elles transforment l’énergie chimique en énergie électrique. Seulement, à l’inverse de la pile traditionnelle, le carburant de la biopile est biologique. L’appareil de quelques millimètres utilise des enzymes pour faire réagir l’oxygène et le sucre présents dans le corps afin qu’ils libèrent des électrons dont se sert la pile pour produire du courant. C’est un procédé totalement naturel fondé sur l’oxydation du glucose et la réduction de l’oxygène, sans que cela ne perturbe en rien la glycémie et la disponibilité de l’oxygène dans l’organisme, tous deux nécessaires à son fonctionnement” complète l’auteur de l’article. Encouragés par la perspective de recours à une énergie illimitée, les chercheurs butent cependant sur de persistants problèmes de conditionnement, la difficile acceptation d’un objet étranger par le corps ainsi que la stabilité de la biopile dans le temps.
Magazine de l’INSERM n°58. Biopile, la nouvelle énergie du corps. 30 octobre 2023.
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