Un astronaute est une créature étrange. Il vit une vie particulière, en symbiose avec le vaisseau, la machine qui l’abrite, le nourrit et le protège. Son corps se modifie au rythme de l’incroyable voyage, soumis à des conditions uniques, impossibles à reproduire sur Terre. La plus visible d’entre-elles est la microgravité, le fait de flotter dans habitat spatial, comme des poissons dans un aquarium. La station spatiale n’a de station que le nom. Elle n’a rien de statique, parcourt le ciel à la vitesse prodigieuse de 28 000 km/h.
Son quotidien obéit à peu de règles considérées immanentes sur terre : le soleil ne se lève et couche pas une fois par jour, mais seize. Lorsqu’un objet est lâché, il ne tombe pas mais suit son propre chemin. Les jambes, et la station debout qui ont contribué au succès de l’Homme sur Terre, sont relégués au rang de poids inutiles.
Le quotidien des astronautes, même dans leurs tâches quotidiennes, diffère sensiblement de celui des terriens. Pas question de prendre une douche, les gouttes d’eau suivraient de toute façon chacune une trajectoire différente! Pas question non plus de manger des fruits frais plus de quelques semaines après le ravitaillement car les denrées périssent vite en microgravité, les bactéries ayant tendance à apprécier cet environnement. Le pain n’est pas la denrée de base, les miettes constituant un danger pour les astronautes et les équipements. On lui préfère la tortilla. Tout est pesé, calibré, recyclé. Le café d’hier est celui de demain, comme ils le disent eux-mêmes. Ouvrir une fenêtre aboutirait à une mort rapide et douloureuse, et l’environnement spatial est si radioactif qu’ils bénéficient du même statut qu’un travailleur du nucléaire.
Leurs vaisseaux sont la seule barrière entre eux et un vide spatial mortel. Ils consacrent une portion très substantielle de leur temps à des opérations de maintenance de leur station spatiale, effectuant périodiquement de périlleuses “marches dans l’espace”, appelée sorties extra-véhiculaire, pour réparer tel ou tel élément nécessaire à la survie de leur maison, et donc par extension à la leur. Si un astronaute n’est pas disponible pour réparer une station spatiale, personne ne pourra la réparer. L’humain et le système technologique sont indissociables, un peu comme un organisme dont le corps se situerait dans l’espace, et le cerveau sur terre (au centre de contrôle).
C’est une relation homme-machine unique qui lie les astronautes à leur station. Une connaissance approfondie des systèmes, un peu d’ingéniosité et un entraînement très poussé sont nécessaires à la réussite de leur mission. Les opérateurs de sous-marin vivent une expérience similaire. Mais les stations spatiales, elles, ne rentrent jamais au port.
Le futur de cette relation passe par davantage d’autonomie à la fois de la station (déchets, ravitaillement) et de l’astronaute. Si aujourd’hui l’astronaute est encore un “instrument humain” pour les agences spatiales, demain devrait s’opérer une symbiose encore plus saisissante entre l’homme et la machine.
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