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Neuro-technologies : nos cerveaux resteront-ils humains ?

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Dans “Les cerveaux resteront-ils humains“, Catherine Vidal, neurobiologiste, présente les enjeux des nouvelles possibilités de modification du fonctionnement cérébral – via les neuro-technologies – et la découverte de la plasticité humaine “cette propriété exceptionnelle du cerveau qui se façonne au gré de l’histoire vécue” .

Portée par son approche critique du transhumanisme, l’auteur se place dans le débat classique entre les technologies qui “réparent” et  les technologies qui “améliorent”, entre réparation et l’amélioration. Elle distingue les pratiques thérapeutiques  “les innovations technologiques réellement bénéfiques pour “réparer” les humains” et les autres ” celles qui visent à transformer les individus et menacent leur liberté” d’agir et de penser” soit les “nouvelles technologies de manipulation du cerveau“. Elle s’inquiète des applications des neuro-technologies, au delà de la réparation, pour les apprentissages et les performances intellectuelles. C. Vidal enfonce le clou : ” laisser croire qu’il existe une continuité entre réparation et amélioration est un leurre savamment entretenu par les transhumanistes“. Et remet en cause les arguments des auteurs transhumanistes qui soutiennent le continuum  : ” le cerveau humain est le résultat de millénaires d’évolution biologique qui ont permis l’émergence de la pensée. Cette connaissance semble échapper aux adeptes du transhumanisme qui, dans leur vaste majorité, sont des ingénieurs, des informaticiens, et non des chercheurs en biologie ou en neurosciences“. 

La distinction entre réparation et amélioration, il est vrai, est d’importance. Dans le domaine de la réparation et donc de la santé, les arguments reposent sur l’usage d’un médicament dans une optique de balance bénéfices/risques et de normes thérapeutiques (diagnostic, prévention et traitement). Réfléchir à un domaine qui se situe au-delà du domaine de la santé nécessite un cadre de réflexion plus large, incluant des normes et des valeurs sociales. A ces pratiques hors-santé, correspondent aussi une régulation spécifique. 

Mais le maintien d’un état de santé repose-il uniquement sur la réparation, le retour à un état antérieur ? Le  domaine de la santé est très large, il vise selon l’OMS un état complet de bien-être de l’individu. Avec l’extension des pratiques en médecine préventive, le domaine de la santé s’agrandit encore. Dans ce contexte, la distinction n’est pas facile  : est-ce aujourd’hui aller au delà de la santé que de restaurer la vision d’une personne âgée ? La démarche de prévention, par exemple via des diagnostics  sanguins prénatal,  constitue t-elle une amélioration ou une réparation anticipée ?  

Foucault expliquait déjà que les normes en santé correspondent à l’idée que chacun se fait d’un fonctionnement d’une personne en bonne santé, avec tout ce que cette idée comporte de subjectivité sur les valeurs de l’existence humaine. Canguilhem décrivait cette normalité en santé comme un concept complexe, à la fois dynamique et polémique, et le soin de la maladie plutôt comme une compensation à partir d’une dérive, d’une variation, d’un défaut ou d’un excédent. La santé se définit alors par référence à un modèle, un idéal, à un moment donné.  La question posée par C. Vidal c’est en définitive de savoir dans quelle mesure et jusqu’à quand cet idéal restera humain.

 

Nos cerveaux resteront-ils humains ? Catherine Vidal. Paris : Le Pommier, janvier 2019. 11 euros. 

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