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Les robots pour des messies et l'IA pour une lanterne ?

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Esclave, témoin, complice, partenaire…quelque soit sa fonction, il faut prendre le robot pour ce qu’il est, ni plus ni moins qu’une émanation de la volonté de son fabricant. Voilà le message-clé du livre de Serge Tisseron, pour penser les bouleversements psychiques liés aux interactions entre les hommes et les machines. Un ouvrage riche de pistes de reflexion et de propositions d’actions à l’attention du  législateur .

Serge Tisseron, bien que psychanalyste – en plus d’être psychiatre et docteur en psychologie – ne parle pas d’inconscient mais bien de conscience. D’une prise de conscience de cette fâcheuse tendance humaine à attribuer de la volonté et des émotions aux robots. A la clé de ces fantasmes se développent des attachements excessifs, voir l’apparition de pathologies psychologiques nouvelles.  Bref le risque de ne plus savoir qui est humain et qui ne l’est pas. La dissonance cognitive apparait ainsi comme le décalage entre la conscience des limites d’un robot-objet et le comportement, l’attachement qu’on ne peut s’empêcher d’avoir avec ce robot. Surtout pas d’anthropomorphisme, quelque soit le type de robot : cobots, chatbots, sobots, robots post-mortem… alerte S. Tisseron qui dénonce vivement l’imposture de la simulation et de l’empathie artificielle. Du coup, le lecteur est un peu désorienté quand l’auteur se met à parler de “psychologie des machines” (1). Comment évoquer la psychologie d’un robot qui n’a pas plus d’intériorité ni d’intentions qu’un boite de conserve, comme le souligne S. Tisseron lui -même. 

Des propositions concrètes viennent à l’appui de la démonstration : fabriquer des robots dont le mécanisme serait obligatoirement visible pour limiter les risques de confusion, apprendre aux jeunes enfants à mener et démonter un robot, dans le même objectif, ou encore interdire des publicités laissant croire que les robots ont des émotions. Cinq points éthiques résument ce qui devrait  garantir des nouveaux droits pour les humains  :

L’auteur invite le législateur à se saisir du sujet, notamment en créant un cadre de régulation pour que les utilisateurs soient informés de la teneur des programmes et de l’utilisation des données personnelles et “un dispositif visuel et/ou auditif qui rappelle sans cesse à l’usager à quel moment le robot transmet ses données personnelles à un serveur central (2)”.

Un enjeu majeur réside, rappelle l’auteur, dans la connexion : non seulement la connexion entre le robot et le fabricant mais aussi dans l’interconnexion entre les intelligences artificielles, le réseau de connexion entre tous les robots d’un même fabricant : “toutes ces machines coordonnées entre elles pourraient alors prendre un formidable pouvoir sur nos vies“(3). L’auteur s’attarde peu sur le problème, pourtant central, de l’éthique des algorithmes  : comment faire en sorte que des algorithmes, mis au point pour effectuer des calculs généraux, réagissent à des considérations éthiques particulières. Et ne porte pas atteinte aux intérêts des humains.  Il est vrai qu’il n’existe pas, aujourd’hui, de réponse satisfaisante à la question. 

Au delà des problèmes psychiques des humains, le sujet qui pointe à l’horizon est celui de l’hybridation et de l’intégration de nanopuces dans le corps humain, en particulier le cerveau : ” Notre corps sera de plus en plus habité par des artefacts, parce que le double mouvement d’externalisation et d’internalisation est inévitable pour nos objets techniques comme pour nos représentations mentales. L’hybridation est l’avenir de l’homme(4)“. Le sujet du prochain livre ?

 

(1) p.12.

(2) p. 199.

(3) p. 87.

(4) p. 162.

 

Serge Tisseron. Petite traité de cyber-psychologie. Pour ne pas prendre les robots pour des messies et l’IA pour une lanterne. Paris : Le Pommier 2018. 19 euros. 

 

 

 

Serge Tisseron

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