Lien copié

Le cerveau à la barre. L’état des neurones : des preuves pénales aux Etats-Unis ?

- 
Share On Facebook
Share On Twitter
Share On Linkedin

L’utilisation, devant les tribunaux, de preuves s’appuyant sur les sciences du cerveau  a doublé aux Etats-Unis entre 2005 et 2012. Les objectifs des différents recours ont été analysés dans un étude publiée en février 2016 sous la direction de Nita Farahany, professeure de philosophie et de droit à Duke University. Selon cette étude, les recours visent dans leur majorité à justifier la compétence d’un tribunal, atténuer la responsabilité criminelle (notamment pour le peine de mort), valider un témoignage ou encore prédire une dangerosité future. Ils interviennent non seulement en cas de crime, mais aussi de vol, fraude et trafic de stupéfiants. De tout temps le droit criminel s’est justifié par le fait que les actions incriminées sont des actes volontaires et le produit d’un choix conscient. Le problème réside dans la définition d’un caractère intentionnel et volontaire d’un état mental.  Aujourd’hui cet état mental peut être compris différemment par les juristes et par les scientifiques. La science est censée fournir des preuves empiriques permettant de mieux cerner l’état mental de l’accusé par le recours à des moyens de neuro imagerie et par des examens neuropsychologiques.

Le rapport américain “Gray Matters“, portant sur les enjeux des neurosciences, recommandait en 2015 un usage prudent de ces preuves, dénonçait leur éventuel manque de fiabilité et un emballage médiatique certain. Face à des risques de mauvaises interprétations des preuves issues des neurosciences dans le processus des décisions de justice, les auteurs du rapport sollicitaient le soutien des neuroscientifiques. 

Quoiqu’il en soit, une réalité s’impose. L’usage de ces preuves par la défense va croissant, notamment pour la justice criminelle aux Etats-Unis. Nita Farahany affirme que les preuves neurobiologiques doivent désormais être considérés comme des éléments de base du système judiciaire américain. Ces preuves ne sont pas utilisées pour déterminer si le patient est innocent ou coupable. Ni pour soutenir qu’un certain état mental impliquerait ou non une absence de préméditation et la nature impulsive de l’acte. Il est évidemment impossible de revenir en arrière pour le déterminer. Les preuves de nature neurobiologique viennent seulement à l’appui des décisions. En ce sens, elles ne traduisent pas nécessairement une évolution de l’idée de la responsabilité judiciaire. Pour Nita Farahany, cette évolution a plutôt le mérite, en apportant des éclairages sur les déterminants du comportement humain, de venir alimenter le débat sur les fondements philosophiques de la punition. Un débat classique qui est de savoir si la sentence vise à punir ceux qui agissent mal ou plutôt à protéger la société contre les criminels.

Pour aller plus loin :
Neuroscience and behavioral genetics in US criminal law: an empirical analysis. J Law Biosci  (2016) doi: 10.1093/jlb/lsv059 First published online: January 14, 2016
Presidential Commission for the study of bioethical issues. Gray Matters, vol 2, Mars 2015
Special issue on criminal responsability and neurosciences, European Journal of Current Legal issues. Vol 22, N° 2 (2016)

 

 

 

0 commentaire

Commenter

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Champs obligatoires*