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Explorer par la pensée, le propre des apprentissages humains.

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Apprendre constituerait le propre de l’humain. Ces apprentissages se déclinent selon un mode spécifique : l’exploration par la pensée. Une curiosité insasiable et la volonté systématique de sortir de sa condition par l’apprentissage constitueraient ces traits uniques. «Comme d’autres mammifères nous jouons et nous explorons – mais plus seulement par le mouvement : par la pensée. Là où d’autres animaux visitent l’espace qui les entourent, nous auscultons les concepts » explique S. Dehaene dans son livre de rentrée, Apprendre, les talents des cerveaux, le défi des machines. Les apprentissages organisés par la société  visent à adapter et augmenter les capacités cognitives de la nouvelle génération : « la pédagogie active est l’apanage de notre espèce : aucun autre animal ne prend le temps d’enseigner de nouveaux talents à ses enfants, activement, en prêtant attention à leurs difficultés et à leurs erreurs » poursuit le professeur au Collège de France. Déjà au printemps avait été publié sur le même thème L’Ecole du cerveau de Olivier Houdé. Un autre ouvrage, Apprendre au XXIème siècle, de François Taddéï devrait aussi paraitre mi-septembre, avec cette question lancinante : pourquoi notre système éducatif sélectionne t-il toujours sur la mémorisation et le calcul, alors que n’importe quelle machine effectue ces tâches de manière plus efficace que l’homme (1) ?
Dans cette recherche d’efficacité, quelles sont les lois du cerveau que les apprentissages doivent prendre en compte se demandent ces auteurs ? Olivier Houdé constate l’existence internationale d’un nouveau domaine de recherche et d’application, avec toutes les difficultés inhérentes à une science “en train de se faire” pour reprendre une expression de Merleau Ponty -. « Le cerveau … est l’angle mort de l’Education Nationale. On éduque encore trop souvent aujourd’hui « en aveugle » des millions de cerveaux, c’est à dire en manipulant les entrées (rythmes scolaires, nombres d’élèves par classe, etc.) et en observant les sorties (résultats aux évaluations : contrôles, PISA), sans bien comprendre les mécanismes internes du cerveau qui apprend » constate O. Houdé.
Certes, la manière dont les transformations physiologiques du cerveau au cours des apprentissages « implémentent les apprentissages les plus élaborés, fondés sur « le langage de la pensée », cette combinatoire de concepts propre à l’espèce humaine » est encore inconnue. Pourtant les humains doivent dès aujourd’hui, selon S. Dehaene, réviser la plupart des certitudes attachées à cette faculté d’apprentissage qui les caractérise, notamment  :
– «Le bébé n’est pas une ardoise vierge de tout savoir,”
–  “L’enfant n’est pas une éponge qui absorbe docilement la structure de son environnement”,
–  “Le cerveau n’est pas qu’un réseau de neurones malléable qui se laisse façonner par ses entrées »,
– « L’apprentissage ne se produit pas de façon passive, par simple exposition à des données ou à un cours magistral »,
– « L’erreur n’est pas la marque des mauvais élèves »,
– « Le sommeil n’est pas qu’un période de repos »,
En conséquence de quoi, certaines transformations pédagogiques seraient pour S. Dehaene, bénéfique aux enfants : moins de cours magistraux, moins de notes, plus de tests, plus de sommeil et des cours moins tôt le matin et surtout davantage d’engagement des élèves …

Attention mal orientée = apprentissage bloqué

Le rôle majeur des émotions dans le bon fonctionnement neuronal ressort de ces publications. Veiller à l’équilibre émotionnel des jeunes et très jeunes enfants serait peut-être l’approche la plus novatrice. Il s’agit alors d’admettre que le mental des enfants, dès leur plus jeune âge, est aussi important que le niveau de leurs performances qu’il s’agisse de l’âge de l’acquisition de la lecture, de la connaissance des tables de multiplications etc…

Ce phénomène est particulièrement marquant pour l’attention qui constitue, pour S. Dehaene, l’un des piliers de l’apprentissage (avec l’engagement actif, le retour sur erreur et la consolidation). Les mécanismes attentionnels permettent de sélectionner à quoi, quand et comment faire attention. De manière générale, «les mécanismes attentionnels résolvent un problème bien précis : la saturation en information … notre cerveau décide de l’importance qu’il convient d’accorder à telle ou telle entrée, et alloue des ressources aux informations qu’il juge les plus essentielles ». Le problème de l’attention : « lorsqu’elle est mal orientée, l’apprentissage est bloqué ».
Comment alors apprendre à faire attention ? En prenant en compte d’une autre caractéristique humaine explique S. Dehaene :  la capacité à faire attention à l’attention des autres, fondement de la relation pédagogique.  Le mauvais côté de cet un outil mental, le coté passif, se traduit par le conformisme à l’environnement social et à l’extrême à la vulnérabilité aux mythes et aux fake news. Le bon coté, le coté actif, passe par la mise à l’épreuve d’hypothèses sur le monde extérieur, la curiosité, motivée par les émotions, à comprendre le monde.

Il apparait, à la lecture de ces nouveaux ouvrages, que plus le fonctionnement du cerveau est connu, plus il est possible d’agir sur les multiples influences qui s’exercent sur le développement neuronal et cognitif. Le cerveau des enfants, ainsi dévoilé, devient un véritable objet politique.

 

Stanislas Dehaene. Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines. Paris, Odile Jacob, 2018.
Olivier Houdé. L’école du cerveau. De Montessori, Freinet et Piaget aux sciences cognitives. Paris : Mardaga, 2018.
A paraître : François Taddéï. Apprendre au XXIème siècle. Paris, Calmann Lévy. (1) https://calmann-levy.fr/livre/apprendre-au-xxie-siecle-9782702163429

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