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Designer children, tempête éthique.

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Dans un article publié cette semaine, le magazine The Economist évoque une utilisation de tests de dépistage pour identifier des variants génétiques présents chez des embryons, qui pourraient influencer la taille ou le QI.  Aujourd’hui il est déjà possible, pour prévenir l’apparition de certaines maladies, d’implanter un embryon plutôt qu’un autre sur la base de statistiques génétiques, au cours d’une conception in vitro (1). Intitulé The new genetics, Gee whizz, l’article (2) évoque, au delà de toute considération médicale,  la mise au monde de designer children, qui seraient conçus pour correspondre à des préférences des futurs parents concernant par exemple la taille ou le QI, et la tempête éthique, ethical storm, qui en résulterait. Certes, l’auteur de l’article prend la précaution de rappeler le risque induit par la pléiotropie, le fait qu’un même gène puisse influencer non pas un mais plusieurs caractères chez un individu. Et qu’en modifiant un caractère, on prend le risque d’en modifier d’autres de manière non intentionnelle. Mais l’article a été quand même été largement critiqué, au motif que cette technologie de sélection d’embryons sur la base d’un score polygénique pour des traits complexes est présenté comme une hypothèse “plausible”  par The Economist, alors qu’elle serait à la fois infondée scientifiquement et indéfendable éthiquement. 

L’hypothèse défendue par The Economist se base notamment sur  les déclarations d’ une société privée, Genomic Prediction. Implantée aux Etats-Unis, cette dernière fait régulièrement parler d’elle par le caractère spectaculaire des prises de parole de son dirigeant Steven Hsu (3). Ce dernier prédit, depuis déjà quelques années, la mise sur le marché prochaine de test de sélection des embryons pour des scores de QI élevés : “accurate IQ predictors will be possible, if not the next five years, the next 10 years certainly…I predict certain countries will adopt them” a ainsi déclaré Stephen Hsu, au journal britannique The Gardian. La société a déclaré ne pas souhaiter mettre à la disposition du marché des tests visant à détecter des forts QI “pour des raisons éthiques”.

En réaction à la publication de cet article, Erwan Birney, directeur de l’EMBL-EBI, Institut européen de bioinformatique, s’il défend l’utilisation du score polygénique pour la prévention en santé des adultes, met en garde contre tout dépistage d’embryons qui se ferait dans le cadre de diagnostic pré-implantatoire, DPI (4).  Ses critiques portent d’une part sur le fondement éthique de la démarche : “The ethics of these procedures needs to be determined by a societal process, not a scientific process; ethical discussions should be informed by the science, but no scientist has a privileged position in the discussion“. Et portent d’autre part sur le fondement scientifique de la technologie : “Polygenic risk scores are statistical models of the genetic component of the variation in traits in individuals observed in the population; they are not models of which bits of the limited possibilities of a genomes will impact a trait given particular parents“. De même, un autre article, publié récemment dans le célèbre magazine Science, dénie la “plausibilité” de ces tests pour améliorer les traits complexes : ” Researchers, led by statistical geneticist Shai Carmi of the Hebrew University of Jerusalem, calculated exactly how much of a boost in IQ or height could be expected by scanning for relevant DNA markers in a batch of embryos and choosing those with the highest scores. The result: The gains would be slight, and prospective parents might even end up discarding their tallest or smartest potential offspring”(5).

 
 
 

1 –  “Le diagnostic préimplantatoire (DPI) s’entend du diagnostic biologique réalisé à partir de cellules prélevées sur l’embryon in vitro. Il concerne les couples qui, du fait de leur situation familiale, ont une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic (article L.2131-4 Code de la Santé Publique). Dans le cas d’une maladie particulièrement invalidante, à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital, le DPI ne peut être effectué que lorsqu’a été préalablement et précisément identifiée, chez l’un des parents ou l’un de ses ascendants immédiats, l’anomalie ou les anomalies responsables d’une telle maladie.” En France, 270 enfants seraient nés en 2017 à l’issue d’un DPI.

Agence de biomédecine. Rapport médical et scientifique 2018. https://rams.agence-biomedecine.fr/diagnostic-preimplantatoire-2017 

2- Gee whizz. The Economist. November 9th-15th 2019. P 68.

3 – Designer children : controverses autour du score polygénique. Blog Anthropotechnie, 3 juin 2019. 

4 – Why using genetic risk scores on embryons is wrong. Erwan’s blog.  Bioinformatician at large. http://ewanbirney.com/2019/11/why-using-genetic-risk-scores-on-embryos-is-wrong.html

 

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