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En 2039, le procès du transhumanisme

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Le procès fictif du transhumanisme a été organisé le 22 juin dernier à Paris par des professionnels du droit. Autour d’un scénario fictif se déroulant en 2039, se sont opposés d’un côté les accusés : des hackers opposés à certaines technologies d’augmentation humaine, de l’autre la partie civile, les bio-résistants ou bio-progressistes, partisans du transhumanisme.

En 2039, dans un monde hyper connecté, les technologies numériques se sont imposées dans l’ensemble de la société, aussi bien dans le domaine médical que dans celui de la sécurisation. Grâce à ces avancées technologiques, une loi de “transhumanisation” des forces de l’ordre a été adoptée en 2037. Cette nouvelle loi permet aux forces de police et à certains citoyens volontaires de se faire greffer une e-cornée (ou œil bionique). Cette e-cornée promet d’être un moyen de lutte contre l’insécurité grâce à son dispositif de géolocalisation, de technologie vidéo et de réalité augmentée. Le système est centralisé au ministère de l’Intérieur qui traite les données captées par les e-cornées. L’augmentation du taux d’élucidation des infractions pénales grâce à ce dispositif témoigne de son efficacité.

Des opposants se présentant comme des bio-résistants ont décidé d’alerter l’opinion en dénonçant les dangers et les dérives de ce nouveau dispositif en piratant ce système. Le hacking du système provoque la désactivation des yeux bioniques et engendre la cécité des porteur de e-cornées, également victimes d’hallucinations. Ce piratage affecte par ailleurs techniquement le service de sécurisation du ministère de l’Intérieur.

Autour de ce scénario fictif, le procès de ce transhumanisme s’est tenu le 22 juin dernier au sein de la première chambre de la cour d’appel de Paris. Organisé par le cabinet HAAS Avocats, ce procès fictif a permis de soulever des questions philosophiques, morales, éthiques et juridiques liées au transhumanisme. Les accusés sont les auteurs des piratages de la cornée, les hackers. La partie civile est représentée par les bio-progressistes.

 La partie civile, soutenant la thèse des bio-progressistes, assure que le transhumanisme contribue à davantage de justice au sein de la société. La science et la technologie permettent en effet de corriger une nature inégalitaire et offrent la possibilité d’améliorer les performances du corps humain. En rappelant que l’homme de Néandertal a disparu au profit de l’homme moderne, les bio-progressistes soutiennent que l’homme moderne est en passe de disparaître au profit de l’homme augmenté. Le transhumanisme serait une phase de transition nécessaire au développement humain. S’opposer au transhumanisme pénaliserait les générations futures.

Un droit fondamental de recourir aux biotechnologies ?

Les débats amènent alors à s’interroger sur la possibilité de consacrer un nouveau droit, un droit fondamental de recourir aux biotechnologies, dans le but d’augmenter les performances humaines. Ce droit fondamental pourrait découler du droit à l’autodétermination, consacré à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. La Cour européenne des droits de l’Homme a précisé dans sa jurisprudence (CEDH, 29 avril 2002, Pretty c/ Royaume-Uni, n°2346/02), que le droit à l’autodétermination relevait de la sphère privée. Ainsi, la question de l’homme augmenté relèverait de la sphère privée, ce qui limiterait l’intervention étatique dans ce domaine.

Pour autant, une intervention juridique paraît nécessaire afin de garantir le droit pour tout humain de se faire augmenter. Cet encadrement juridique de ces technologies permettrait de sécuriser l’intégrité des personnes augmentées.
 Les partisans du transhumanisme affirment qu’en 2039, dans un monde complexe, doivent cohabiter de multiples intelligences, augmentées, non augmentées, et aussi artificielles. Il revient au droit d’encadrer cette cohabitation au niveau international. Le tourisme eugénique ayant explosé, les bio-progressistes soutiennent que l’Etat est incapable d’empêcher l’homme de s’augmenter, une intervention au niveau étatique serait donc vaine. La question de l’encadrement du transhumanisme doit donc nécessairement être posée au niveau mondial.

Les inégalités dans l’accès aux améliorations humaines

La défense, quant à elle, souhaite démontrer le danger que représente le transhumanisme. Les bio-résistants interpellent la Cour sur le risque de rupture d’égalité  ainsi que les problèmes que pourraient susciter l’application d’un droit de refuser son amélioration. Ils prennent l’exemple d’un chantage au licenciement qui pourrait affecter les salariés d’une entreprise qui refuseraient une intervention biomédicale visant à améliorer leurs capacités professionnelles. La mise en concurrence mondiale des salariés favorise a fortiori les salariés augmentés qui sont plus performants. Ce constat démontre que le transhumanisme, au-delà des questions philosophiques, éthiques, juridiques et morale, implique également des questions d’ordre économique.

La question de l’égalité d’accès aux nouvelles technologies est aussi soulevée. La création d’une société inégalitaire est à craindre selon les bio-résistants, pour qui l’optimisation de l’être humain ne concernerait en 2039 que 3,5 millions de Français, ces procédés ne profitant qu’aux plus riches.
 Par ailleurs, la question de la responsabilité des objets connectés est également étudiée. Il convient de se demander si la responsabilité des objets implantés est liée au contrôle exercé sur cet objet par la personne greffée ou par un tiers qui exercerait un contrôle sur cet objet ? Ou bien faut-il considérer que l’objet fait partie intégrante de l’humain et se confond alors avec l’homme ? La maîtrise de son comportement par l’homme pourrait être altérée du fait d’un objet qui serait implanté dans son corps. Ainsi, les bio-résistants mettent en garde contre une perte d’autonomie morale. Cela pose nécessairement des questions de consentement et de responsabilité auxquelles le droit devra répondre. Enfin, les bio-résistants mettent en garde contre l’hypothèse de dérives totalitaires du transhumanisme en se demandant si en définitive le devenir de notre société ne reposerait pas dans les mains d’une petite dizaine de multinationales.

Le réquisitoire du Ministère public, face à la complexité de la problématique, évoque en conclusion le principe de précaution et juge nécessaire que la commission de bioéthique soit saisie afin de remettre en débat les conséquences du transhumanisme pour la communauté humaine.

 

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