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Vers une reconnaissance de la mort numérique

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Une boîte mail, un compte Facebook, des réseaux sociaux abandonnés. La mémoire de notre existence numérique ne s’arrête pas à notre mort. Une réminiscence souvent douloureuse pour les proches qui affrontent tous les jours, cette vitrine d’une identité qui n’est plus. Une page « fantôme », c’est aussi le risque d’une d’usurpation d’identité. Dès lors, peut-on s’effacer de l’internet et si oui, comment procéder ? Pour Virgile Delporte, cofondateur du site « Testamento.fr », la gestion de cette « mort virtuelle » soulève de véritables enjeux. « Depuis la nuit des temps, nous savons gérer la fin de vie physique mais avec l’arrivée d’Internet, de nouvelles problématiques émergent et s’accélèrent avec les réseaux sociaux. Effectivement, la vie numérique ne s’arrête pas après la mort ».

La loi pour une République numérique prévoit un nouveau cadre

Une personne peut-elle hériter de notre patrimoine numérique ou en assurer la gestion ? Dans ses articles « terminer la vie numérique », le texte prévoit de déterminer qui seront les héritiers de notre vie numérique. Mais depuis le 3 décembre 2015, Testamento.fr propose déjà un service d’inventaire, afin de répertorier la liste de ses biens numériques, dans le cadre d’une succession. En France, près de neuf successions sur dix sont réglées sans testament lorsqu’outre-Atlantique, un Américain sur deux prend ses dispositions. Testamento.fr propose de préparer un testament sous sa forme la plus simple, le testament « olographe » conformément aux dispositions légales françaises. Le document sera conservé à vie par un notaire du site et inscrit au fichier central des dispositions des dernières volontés (FCDDV). Une idée, née d’un constat évident, « nous sommes partis du concept de déshérence, une notion qui existe déjà dans le secteur de la finance. Si l’on se fie à un rapport de la Cour des Comptes, il existe près de 5 milliards d’avoirs en déshérence, il s’agit d’assurances-vie ou de comptes bancaires non réclamés. Il y a quelques centaines d’années, nous étions des bâtisseurs, nous transmettions des biens physiques, mais dans cette nouvelle ère, nous transmettons notre vie numérique et l’idée de Testamento.fr, c’est d’avoir créé à travers notre service, la possibilité de lister les biens qu’il ne faut surtout pas oublier dans le cadre d’une succession ».

Désigner un légataire chargé de gérer nos comptes après notre mort

Cette option est aujourd’hui possible. Un internaute peut signifier à son notaire l’identité de son « légataire numérique ». Les modalités seront précisées par les décrets d’application. Facebook avait anticipé cette démarche, en permettant, depuis plusieurs années de désigner un légataire. Mais le réseau n’a pas intérêt à ce que les comptes des défunts soient clôturés, puisque même inactifs, ils génèrent du flux, du trafic. C’est la raison pour laquelle le géant américain préfère proposer des « comptes de commémoration », nouvelle forme de mémorial en ligne.

La fermeture définitive d’un compte sur les réseaux sociaux est toujours aussi complexe

La fermeture définitive implique le plus souvent un décryptage des conditions de sécurité et de confidentialité, à la suite duquel on vous demandera, à plusieurs reprises, de confirmer ce choix « irréversible ». De quoi décourager la plupart des utilisateurs. En 2011, trois utilisateurs de Facebook décédaient chaque minute. En 2016, environ 6 utilisateurs du réseau meurent chaque minute, soit 90 millions de comptes fantômes.

Dernières volontés 2.0

La loi numérique marque une avancée considérable, mais il reste peu probable que le gouvernement puisse contraindre des sites étrangers à respecter son texte. « La loi française s’applique en fonction du pays du consommateur, c’est la position du gouvernement français. L’idée est qu’elle soit généralisée au niveau européen » affirme Axelle Lemaire, Secrétaire d’état au Numérique. Reste enfin la question des ayants-droit : qui aura la charge de faire appliquer les dernières volontés numériques du défunt ? Si le défunt ne désigne pas d’ayant-droit, ce sont les héritiers qui auront la charge de faire appliquer ses dernières volontés. En revanche le droit à l’effacement des données peut être contesté, sous réserve de motif légitime, par l’un des héritiers. En tout état de cause, les héritiers ne récupéreront pas automatiquement le patrimoine numérique du défunt, si celui-ci n’a pas clairement exprimé ses volontés. L’Assemblée Nationale s’est quant à elle, exprimée pour que les héritiers ne puissent récupérer qu’une partie limitée des données, le reste relevant du droit à l’oubli du défunt.

En Grande-Bretagne, nombreux sont ceux qui font le choix du testament « vidéo » pour exprimer leurs dernières volontés. Toutefois, la vidéo n’a pas la même valeur juridique qu’un document écrit et signé devant témoins. Enfin, le format de sauvegarde de la vidéo n’offre pas les mêmes garanties d’archives. Derrière la problématique, a priori futile, de notre héritage numérique, se posent des enjeux éthiques et juridiques dont l’impact reste encore à mesurer.

 

Un article publié initialement par Trop Libre

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