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Compétition sportive, normalité et égalité

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Jusqu’à quel point les modifications corporelles sont-elles justifiables pour la pratique du sport en compétition ? La question est de savoir comment établir des normes équitables pour déterminer la frontière entre restauration et amélioration. Des normes satisfaisantes à la fois du point de vue de la santé des sportifs, de l’intérêt du spectacle sportif et de l’évaluation des performances. Afin, comme le souligne Michael Sandel dans le livre The case against perfection, qu’on ne se pose pas la question de savoir s’il faut féliciter le sportif ou plutôt son pharmacien. Cette réflexion autour du corps des athlètes, leurs inégalités et leurs normalités, parait indissociable de toutes celles qui concerne la définition du corps humain à travers ses évolutions techniques, l’anthropotechnie. A l’heure du génie génétique, des thérapies cellulaires et des nanotechnologies, la question du dopage est devenue éminemment complexe.

Du point de vue des inégalités, les auteurs de l’Encyclopédie du trans/posthumanisme, l’humain et ses préfixes abordent la question, sans a priori, à partir de points de vue historiques, techniques et éthiques. Jean-Noël Missa souligne que l’objectif ultime la compétition reste avant tout la performance : « le sport de compétition est profondément inégalitaire. Que met-on en valeur dans le sport de haut niveau ? Ce sont les inégalités naturelles. Schématiquement, l’athlète qui gagne est celui qui a le meilleur potentiel génétique et qui dispose des conditions d’entraînement et d’encadrement médical les plus favorable. L’expression « concourir sur un pied d’égalité » (« to compete on a level playing field ») est trompeuse».

Du point de vue de la normalité, Canguilhem a démontré que cette dernière n’existait pas en santé. Il n’existe pas d’état de santé que l’on puisse qualifier de normal. L’homme sain n’existe pas : il n’est sain que dans la mesure où il n’est pas malade. Or dans la mesure où il peut tomber malade, il n’est pas vraiment sain. En l’absence de normalité, il devient très difficile de tracer une frontière entre restauration et amélioration. Si une personne a une mauvaise vue, l’action de modifier la qualité de sa vision par des moyens biomédicaux constitue t-elle une restauration d’une vision normale, au motif que la vision de la personne se situait auparavant en deçà de la moyenne de la vision observée chez d’autres personnes, ou bien constitue une amélioration par rapport à la condition antérieure de la personne en question ?

Transposé au domaine des compétitions sportives, ce problème ressort de manière aiguë à travers le sujet des prothèses. Quels critères permettent, dans ces domaines, de déterminer si les modifications subies par le corps d’un athlète suite à un incident ressortent de la restauration ou de l’amélioration ? Au-delà de cette distinction introuvable, les (premiers) démêlés juridiques autour de l’athlète Oscar Pistorius ont permis de dégager un autre critère, celui de l’intégrité corporelle. Les prothèses qui constituent des aides techniques remplaçant les tibias, soit une partie du corps, ne sont en aucun cas normalisées pour la compétition de haut niveau. Les aides qui se rapportent à un corps intègre, telles que des semelles, des combinaisons de natation seraient, elles, admises. Ce critère de l’intégrité corporelle n’est évidemment d’aucun recours pour le problème du dopage qui à la fois laisse le corps intègre, et le transforme chimiquement.

 

Pour aller plus loin
Hottois, J. N. Missa et L. Perbal (dir). Encyclopédie du trans/posthumanisme. L’humain et ses préfixes. Paris : Vrin, 2015.
Anne Marcellini et al. La chose la plus rapide du monde sans jambe. Oscar Pistorius ou la mise en spectacle des frontières de l’humain. Politix, 2/2010, n°90 .
http://www.newyorker.com/news/daily-comment/doping-and-an-olympic-crisis-of-idealism 

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